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Complete Works 01

by Luc Ferrari

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Premièrement, je suis un quartz dans la lumière. Mes facettes sont chacune un piège orienté, indéfiniment immobile. Deuxièmement, je suis seulement dans la rotation. Elle me donne mon poids. Je suis dans une pesanteur d'immobile. Troisièmement, je crois que je suis la Terre autour du Soleil. Je peux me surprendre étant n'importe quel univers. Quatrièmement, je sens que le Soleil me bombarde de ses terribles sacs de billes. Elles me ruissellent partout, dans tous angles précis. Et moi l'araignée, je suis le geste de la nature. L'univers autour de moi brandit ses tripes d'étoiles. Inextricable réseau d'araignées. Et la Terre est restée figée dans un rythme d'espace. Résultat. Ma rotation me place dans ma lumière. Et moi, quartz aux nombreuses facettes, je me prête à elle dans ce voyage. Et selon qu'elle me regarde, elle me contracte ou me disperse et m'ouvre dans le mouvement. L'homme est indéfini. Ce qui est vivant est mobile. Ce qui est mobile ne se contient pas dans une limite. Ce qui est mobile, à cause de son déplacement même, est indéfini dans le monde. Ainsi l'homme, qui n'est jamais lui-même, se superpose sans cesse dans la durée et se transforme dans la respiration, n'est jamais défini. La définition ou l'ordre, cela n'existe pas. Ce qui est défini est en dehors du mouvement. Et ce qui est défini, cela ne nous intéresse pas. L'être stable, ce serait statut aux yeux de chair. Ou soleil s'arrêtant dans le ciel. Cela ne m'intéresse pas. Il faut qu'une statue soit de pierre ou un homme de respiration. Je respire. L'air que je comprime dans les poumons m'est compté dans les astres. L'air que j'expire, je peux le sentir contre ma main. Je me dilate. Je suis indéfini par ma respiration. Il y a deux possibilités et sûrement trois. Construire ou détruire et vice-versa. Il faut se ranger à cette version des choses. Une maison bâtie est davantage détruite qu'habitée. Une nouvelle maison est construite sur cette ruine. Et pendant ce temps, cet homme, nous autres, sera dans le provisoire d'une construction à détruire provisoirement. Donc, ce qui est défini n'est pas humain. Je veux dire, n'est pas de notre humanité ou en notre pouvoir. Car nous ne serions nous accoutumer à un repos. Le repos étant une nouvelle transmutation ou le désespoir d'atteindre une véritable destruction sans remède. Le monde est la facette de la lumière et la lumière la respiration du monde. Le jeu du stable et de l'instable est le regard. Le regard, c'est le vide éclatant. Le vide, c'est moi, c'est la lumière ; et la lumière, c'est le mouvement. L'objet, c'est le corps inanimé. Si je jette une bouteille, elle a un instant de vie par procuration. Le geste d'envoi lui donne une existence. La main l'a touchée de magie et lui donne un réflexe qui la guide. Dans sa conscience, elle réalise son parcours. L'objet qui était inerte devient vivant par le don qu'on lui fait d'un mouvement. Il est la prolongation de la main qui le lance. Le rythme est un envoi. Premièrement, il y a le geste et le geste a trois réalités : 1. L'impulsion volontaire qui est une inspiration. 2. La contraction musculaire qui est un silence. 3. La projection qui est une expiration. Deuxièmement, il y a le parcours ou la distance, et le parcours a trois réalités : 1. Il y a la tête qui est le point de jonction entre le geste et l'objet. La contraction dans laquelle il y a la loi de tout le parcours, l'œil instinct de l'immédiat. 2. Projeté à l'extérieur, sorti de la contraction, il y a le seau qui entretient le parcours. 3. Enfin, le grand saut qui est le résultat des deux premières réalités et qui accomplit la totalité de l'envoi jusqu'au point déterminé de la chute. Le parcours est le résultat, la distance parcourue entre le jet et la chute. Un troisième facteur est le temps. Le temps est liquide. Dans le temps du parcours, différents événements donnent une appréciation différente du temps. Les contractions de l'objet sur lui-même rythment son entretien. Si je jette une bouteille dans le soleil, le jeu de lumière pris et renvoyé par l'objet aura pour résultat un trajet complexe, juxtaposé sur la simple parabole et rythmera l'entretien par les renvois de la lumière. Dans la même distance de temps, il peut y avoir des convulsions, des tensions rythmiques plus ou moins floues, plus ou moins rapides. Et le rythme à l'intérieur de la convulsion soubressaut et grand saut, et la friction interne et externe avec la parabole du grand chef. Spirale, est la friction algébrique entre le petit et le grand saut ; entre le grand saut et la convulsion organique. Le mouvement est le voyage de la lumière sur les événements. Il faut considérer le mouvement comme un événement en forme de corps dynamique constitué d'une impulsion d'envoi, d'une continuité et d'un effacement. C'est une succession de rythmes percevables au service d'un indéfini. C'est la création d'une direction par rapport à un point fixe, le déchirement d'un point vers un autre imaginaire. Voilà la contrainte d'où naît la complexité, ou les nœuds de la superposition des gestes dans l'instant. L'animation traditionnelle n'est pas le mouvement. Là, on peut dire que le mouvement est une suite d'immobilités percevables, ou une succession de rythmes non percevables, qui sont au service d'une image à extraire ou d'une image définie. Or, ce qui est vivant, c'est l'image de son envoi à sa chute, ou mieux, de la force de son envoi qui la jette dans la réalité. La définition parfaite d'un mouvement est de la fécondation jusqu'à la réalité du vivant. Ce temps de transmutation d'une force organique non construite dans notre vision jusqu'à son immobilité vivante. Il apparaît donc un rapport de durée, c'est-à-dire la véritable forme du mouvement. Son existence, ou sa réalité, ne se percevant que dans sa fin. La chute, ou l'effacement d'un geste provoquant un réflexe de mémoire ou récapitulatif, des densités successives écoulées, de la continuité à l'impulsion d'envoi. Ce rapport de durée est double. Il y a durée double, puisqu'il y a une opposition entre un temps-durée et un temps-espace, qui lui-même dans sa superposition, comprend un rapport de réaction dans le temps. On peut imaginer l'état de conscience comme une outre qui se remplit de vision et devient ventre, qui expire sa vision et devient ventre aux alentours. Nous avons en nous l'image de la transmutation, qui est la digestion, ou vivi-digestion. La chair de l'atome est le mouvement de l'estomac digéré par sa propre femme. Le bruit stellaire ressemble à la conscience du diable gyroscopique. Je suis le produit d'une invention brevetée gesticulatoire. Les choses passionnantes des hommes sont leur rouage et leur mouvement pendulaire. De là, nous sommes partis pour retrouver notre dédoublement. La roue est le plus grand signe de curiosité que nous nous sommes démontrés, et sans doute cette curiosité, bien qu'inévitable, fut une chance. C'est ainsi que nous avons pu identifier la Terre à la forme de notre roue. Et la voyant tourner, notre roue, avons reconnu que notre Terre tournait aussi. Depuis, bien d'autres découvertes, telles que le bilboquet. Continuons donc d'être curieux. De toute manière, elle tourne. Nos gestes sont volcaniques. Nous sommes le volcan effervescent de la Terre. Ma tête est un lac. Le matin, mon œil se lève et accomplit sa gravitation. Dans l'orbite frétille la queue d'un petit poisson d'écailles. Éclate en étincelles brillantes. Je gratte l'écaille et je vois par l'arête que je suis Charlemagne. Je frappe de grands coups de poisson sur les fleurs. Je déchire les pierres. Je racle la terre avec mes épines. J'écorche la peau de l'air et circule dans ses veines. Mes poissons éclatent. Mes lunes sont pleines de bois. Je brûle ! Le rythme, ou l'intense densité de la chair inimaginable d'un coquillage, de plusieurs millénaires, dont seule la trace subsiste dans la pierre. La nature reste à être créée. La chose à l'état latent fait à travers nous un voyage qui lui est aussi profitable que le voyage que nous faisons sur elle. Le triangle de la juxtaposition est un va-et-vient d'images entre la chose, son observateur et la forme. Je suis le commanditaire de la chose. L'expiration de la forme et sa juxtaposition sur la chose devient mouvement. C'est la juxtaposition qui dans son délire porte la chose à son apogée. La base est le sommet du soleil. Je suis une centrale téléphonique. Garnissons les plots. La chose enfonce sa fiche. Et alors nous l'expirons. Et seulement… elle existe. L'expiration est l'inspiration de l'expiration. Et alors nous existons sur elle. Les rythmes des longs trains sont un cinéma d’effluves. J'affirme ici la constitution physique du train ou du rythme. A cause de l'hypothèse contenue dans ce cinéma d’effluves. Qui en elle-même est une coordination d'images ou de rappels qui sont en constitution physique ou mieux super-physique. C'est-à-dire érotique. La nature respire en nous. Chaque image égale l'appel d'air. Chaque image de formation, chaque image de constitution, devient mon bubon d'images. L'état latent n'est plus qu'un prétexte et reçoit l'état dynamique projeté, qui vient couvrir l'attente d'un prétexte à exister. Le rythme c'est le produit de la lumière et du mouvement. C'est l'expression des objets dans la vitesse, ou le départ du geste à sa chute. C'est l'interception inarticulée de la lumière par les facettes des objets. Nous respirons dans la nature. La vision devient gravure matérielle. A travers notre corps, transpercé d'immobile, il juxtapose sa vision créée de mobile dans l'œil. De l'immobile à l'action il n'y a qu'un vertige. De l'organe à l'arbre, un double jet de filet. L'arbre m'attrape l'œil, et j'attrape l'arbre après l'avoir vivifié et mobilisé. Le rythme. Personnage d'avant le désastre qui subsiste. Je le définis comme un hermaphrodite idéal plein d'appétit. Ne cessant jamais une éternelle fornication entre son vide et son éclat. Ne cessant une mise à bas de la perforation. Ne cessant une locomotive stomacale. Toute perforation provoque un vide. Plus durable que ce geste perforateur. Et la domination s'évanouit dans ce vide même. Créé de la combustion de son énergie-volume. Pompéi, ville de l'extérieur des choses. Le moule est la forme véritable de l'expression crispée de l'objet. Donc, il faut couler sur la pensée une matière pétrifiante. Et cette pensée devenue poussière sera vivante de son aléatoire et transposé volume dépersonnalisé. Ou encore, il faut couler de la lave sur les êtres. Et que de cette poussière, naisse la pensée tirant la langue. Tout n'est qu'une excavation terrible, la forme élargie d'un obus éclaté. Parti du fait que le temps est un voyage, ou plutôt un état — état de fait, ou lieu. Et que le rythme est un moyen de transport qui permet le voyage à la surface du temps. Et puis on traverse la surface et on entre dans l'interne. C'est-à-dire que peu à peu le temps disparaît mais le voyage continue. Et le rythme reste toujours le seul moyen de transport pertinent. Et puis on traverse l'interne et on entre dans l'incommunicable. C'est-à-dire que peu à peu le rythme disparaît et reste seulement le voyage et le silence. Parti de ce principe de cheminement, ainsi on peut se demander si le voyage va du bruit au silence, ou du silence au bruit, ou ni l'un ni l'autre. Parti de ce principe de cheminement et de rapprochement, on peut se demander si le voyage va de moi à l'impossible, ou l'impossible est devenu l'incommunicable, ou s'il va de l'impossible à la communication. De toute façon, je ne vois pas d'autre moyen. Il y a le temps qui fait la pénétration des choses, qui ne disent pas leur nom. Si je regarde l'action, je peux dire : ce qui compte c'est que le vide soit contenu, et qu'il respire dans une limite de vibration indéterminée. Tout est instrument d'agir. Le maçon du vide c'est la main du potier. Ce qui compte, c'est qu'elle enferme le vide, qui est l'âme de la masse ou sa raison. Toute transformation est d'un mobile, et provoque une énigme. Toute perforation est d'un mobile, et provoque un vide. L'action déglutit son geste. Apparaît le moule d'un espace poétique, d'une durée, d'un geste de la terre à son vide. Je sais que l'excrément de l'action, c'est le règne. Et s'il faut que je vous sacre un roi là-dessus, ce sera l'énigme-roi. Voici, l'énigme est roi de son mobile, de son royaume complexe. Il ne saura rien dire que silence. Et qu'il n'y a pas de surface, mais une densité universelle de pierre et de dureté. Une respiration de force. Le vide lui-même est le plus compact. Et de son énigme n'est pas. Tout est un nœud dense et giratoire. Le rythme est de son visage. Et la perforation survit de son visage. Densité, graisse, mouvement, huile de l'explosion. Dans ce voyage, rien ne se termine, tout se répercute. Les étoiles, comme des chevaux, tombent dans les fosses de l'épuisement. Mais rien n'arrive à se finir. Tout se répercute. Un geste terminé, il reste l'in-geste.
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1.
ÉTUDE AUX ACCIDENTS
1958

◆ Les “accidents” représentent en général un élément supplémentaire et inattendu dans le déroulement du son. Ici, il s'agit d'agitations rythmiques de tringles, qui viennent accidenter le corps d'une note de piano préparé.
Les accidents étant pris pour eux-mêmes, l'effet de surprise qui les accompagne s'en trouve atténué et il en reste une logique interne de l'événement sonore.
Pour cette étude, l'auteur, encore peu familiarisé avec la musique expérimentale, a choisi une matière musicale peu diversifiée. Il a donc limité le nombre de corps sonores et, en recherchant l'originalité des objets musicaux dès la prise de son, il a réduit au minimum les manipulations électroacoustiques.
L'étude portant sur les accidents eux-mêmes, leur effet de surprise est détruit.
[Luc Ferrari]

◇ “Accidents” usually represent an unexpected additional element in the unfolding of sound. Here, they are rhythmic agitation of rods that disrupt the body of a note on a prepared piano.
The accidents are taken as themselves, so the associated surprise effect is lessened, and what is left is the internal logic of the sound event.
For this study, the author, who was still unfamiliar with experimental music at the time, chose musical material that is not very diversified. He therefore kept down the number of sound bodies and, by looking for original musical objects already at the point of recording, he kept electroacoustic manipulations to a bare minimum.
Because the study focuses on the accidents themselves, their surprise effect is obliterated.
[Luc Ferrari]

• Premiered during International Exhibition, 5 October 1958, Brussels

2.
ÉTUDE AUX SONS TENDUS
1958

◆ L'Étude aux sons tendus est une de mes premières expériences de musique concrète, aussi cette pièce me semble aujourd'hui remplie de maladresses. Ma principale curiosité, en la composant, était la possibilité rythmique que permettait la bande magnétique, aussi bien par découpage des sons que par le mouvement naturel des objets employés, et aussi leur superposition.
Les sons tendus ne représentent pas ici un critère d'analyse mais une causalité manuelle effectuée sur le matériau lui-même ou une causalité manipulatoire, exercée sur le son enregistré. On a voulu se servir des sons comme on se sert d'un élastique et construire l'étude avec des prélèvements de ceux-ci dans leur état de tension maximum. La tension les réduit au silence ou, au contraire, les ramasse comme un muscle vers un saut qui n'arrivera pas. La surprise, prise pour elle-même, supprime des accidents du déroulement en général.
[Luc Ferrari]

◇ ‘Étude aux sons tendus’ is one of my first forays into musique concrète; consequently, I now find it very clumsy. My main motivation when composing the piece was to investigate the rhythmic possibilities offered by the magnetic tape — cutting up or superimposing sounds, or exploiting the natural movements of the objects used.
The “stretched sounds” don’t constitute a criterion for analysis, but a causality applied by hand to the material itself, or a manipulatory causality exerted on the recorded sound. The idea was to use sounds like you would use an elastic band, and to build the study with samples of sounds in a state of maximum tension. The stretching reduces them to silence or, on the contrary, contracts them like a muscle tensing up ready for a jump that will not happen. Surprise, in itself, eliminates some accidents from the general process.
[Luc Ferrari]

• Premiered during International Exhibition, 5 October 1958, Brussels
• Choreographed version, December 1967 at musée d'Art Moderne de Paris, by Paulina Oca

3.
ÉTUDE FLOUE
1958

◆ En un sens, les études de Ferrari sont de fausses études. Elles outrepassent avec tellement de brio et d’aisance les critères typologiques pour aborder d’emblée le “critère aventureux” de la musique que, repensant après l’écoute à leurs titres sagement scolaires, on ne les y retrouve plus.
À moins de les considérer au contraire comme exemplaires et de les entendre comme des études transcendantes.

◇ In a way, Ferrari’s studies aren’t real studies. They outstrip the typological criteria with ease and brio, straightaway tapping into music’s “adventurous criteria”; so much so that, after listening to them, they don’t seem to belong with their compliant school-like titles.
Unless we, on the contrary, consider them as exemplary, and thus see them as transcendent studies.

• Premiered during International Exhibition, 5 October 1958, Brussels

4.
CHUTE LIBRE
Discours
1958

Radio essay in collaboration with Gérard Patris.

5.
VISAGE V
1958-59

◆ Je ne cherche pas à appuyer la forme musicale sur un langage poétique, car je ne suis pas poète.
Mais je cherche, d’une part à imager par le langage la réalité matérielle des sons.
D’autre part, je cherche à donner matière à la pluralité de la vision ou de l’audition. Ce qui semble être mon idée n’est plus une idée mais une réalité sonore, ce qui semble être une image poétique ne l’est plus, mais un événement.
Mais bien malin celui qui peut reconnaître les événements, c’est pourquoi entre en jeu le langage (hélas) et sommes-nous obligés de nous expliquer.
Il y a bien des spécialistes qui ne peuvent reconnaître une œuvre expérimentale d’une fois à l’autre. Alors, comment peut-on reconnaître la transfiguration d’un son à travers toutes ses possibilités. C’est ce que je voudrais expliquer, aussi suis-je obligé de nommer les sons.
[Luc Ferrari]

En 3 parties :
1. Le personnage et ses créatures
2. Jeux des créatures
3. Pluralité du personnage

◇ I'm not trying to base musical forms on some poetic language, since I am not a poet.
What I try and do is, on the one hand, to use language to find images that express the material reality of sounds.
And on the other hand, to give shape to the plurality of vision or of hearing. What seems to be my idea is no longer an idea but a sound reality, what seems to be a poetic image is no longer a poetic image, but an event.
But recognising events is tricky, which is where language (unfortunately) comes in, and we have to explain ourselves.
Many specialists cannot recognise an experimental piece from one hearing to the next. So how can one recognise the transfiguration of a sound into all its possible manifestations? This is what I would like to explain, which is why I have to give names to the sounds.
[Luc Ferrari]

In 3 parts:
1. Le personnage et ses créatures
2. Jeux des créatures
3. Pluralité du personnage

• Premiered on 30 June 1959 during Expériences Musicales, Paris
• Awarded by the Biennale de Paris Prize in 1961

6.
PASSAGE POUR MIMES
Échantillon pour mimes
1959

• Premiered on 6 July 1959 at Musée Guimet, Paris
• Concert version, initially for a staged work for Jacques Lecoq

7.
TÊTE ET QUEUE DU DRAGON
1959-60

◆ On peut donner un grand nombre d’explications qui pourraient sembler contradictoires, selon que l’on s’attache à présenter une facette plutôt qu’une autre. La difficulté est le choix de la facette, car elles sont toutes liées par un organisme d’ensemble.
Comme généralité, je peux dire que l’œuvre est née d’une juxtaposition d’états n’ayant d’autres rapports entre eux que le moment dans lequel il se sont proposés, de la friction de ces dits états disparates et du choc de leur hétérogénéité.
Ainsi je peux dire que je crois aux rencontres et que je nie le hasard qui semble en être l’instigateur.
Un certain nombre de problèmes ont été abordés dans cette œuvre ce qui ne veut pas dire qu’ils ont été résolus. La rencontre entre idée indéfinie et schéma, entre schéma et partition, entre partition et matière, entre matière et structure ne peut qu’être troublante, ou bien la volonté que l’on a de moduler les choses jusqu’à ce qu’elles entrent en rapport les unes avec les autres pourrait servir d’explication. Je pourrais presque dire qu’une sorte d’expression est née de ces rencontres, qu’elle semble retrouver le premier départ de l’idée indéfinie, et me contenter de ce bénéfice.
Le problème à l’origine était de faire vivre les sons et que leur évolution ne soit pas condamnée par la structure. D’autre par la structure générale devrait être intelligible et non pas découler de celle des sons mais s’y juxtaposer et même peut-être s’y opposer.
C’est pour cela qu’un assez grand nombre d’éléments ont été fabriqués, représentant une sorte d’orchestration, puis ont été classés en plusieurs familles de forme, de matière ou de qualité d’évolution. Tous les éléments sont en perpétuelle évolution, les répétitions sont ainsi rendues impossibles, ceci est le caractère commun de tous les objets musicaux employés. Et c’est justement par leur critère d’évolution qu’ils ont été classés :
- Itératifs à évolutions rythmiques plus ou moins rapides ;
- Échantillons évoluant mélodiquement dans une tessiture donnée ;
- Échantillons dont les évolutions dynamiques produisent des profils combinés et complexes ;
- D’autres évolutions plus complexes encore réalisant une véritable polyphonie de mélodies, de profils et de masses.
Le comble de l’évolution est obtenu par la succession rapide de petits objets qui forment des groupes composites mais qui peuvent être entendus selon le cas comme objet unique d’une très grande complexité rythmique.
J'ai construit 'Tête et queue du dragon' sur un texte de Lovecraft
dont la structure poétique m'a fourni les lois devant régir l'organisation des sons.
L'œuvre se divise en trois parties enchaînées.
La première partie représente la tête du dragon et prend forme grâce à une accélération discontinue des mouvements. Des fragments de rebondissements choisis dans certains moments de leur évolution sont liés par des échantillons sonores qui ont avec eux des caractères communs. Cette organisation horizontale compose indépendamment chacune des quatre voies spatiales et provoque un certain désordre. Des groupes de notes très rapides au contraire rétablissent l’ordre et l’articulation en une structure appelée « Principe unificateur vertical ».
Si la première partie est spatialement linéaire, la seconde est un
cheminement vers une structure rythmique spatiale. Le corps du dragon est représenté par un morcellement progressif des groupes de notes à l’intérieur desquels sont introduits des éléments de contrastes.
La troisième partie (ou queue du dragon) est une dispersion totale de tous les éléments de l’œuvre dans une mobilité extrême. La transformation du moindre fragment de tous les objets musicaux employés pourra servir de rythme d’espace.
[Luc Ferrari]

◇ One can give a great number of explanations that might seem contradictory, according to whether one endeavors to present one facet rather than another. The difficulty is the choice of the facet, because they all are bound together by an overall organization.
Overall I can say that this work was born from a juxtaposition of conditions having no other relation between them than the moment in which they were proposed; the friction of these so-called disparate conditions and of the shock of their heterogeneity.
So I can also say that I believe in encounters and that I deny the chance that seems to instigate them.
A certain number of problems were approached in this work – which does not mean that they were solved.
The encounter between indefinite idea and schema, between schema and score, score and material, material and structure can only ever be a troublesome one. Or it instead explains the desire that one has to adjust things until they enter in relation with one another.
I could almost say that there was a kind of expression born from these encounters that suggests the beginning of the undefined idea – and be content with this happy outcome.
The problem at the beginning was to give life to the sounds and that their development not constrained by the structure. On the other hand the general structure had to be intelligible and not derived from that of the sounds, but to juxtapose and even perhaps to oppose it.
Therefore a rather great number of elements were created,
representing a kind of orchestration, and then classified into
several families of formal, material or developmental character.
All the elements are in perpetual evolution, repetition is thus made impossible. This is the common character of all the employed musical objects, and it is precisely by their transformative characteristics that they were classified:
- Iterative with more or less fast rhythmic evolutions ;
- Samples evolving in terms of melody in a given tessitura ;
- Samples whose dynamic transformations produce combined and complex profiles ;
- Other more complex transformations still carrying out a true
polyphony of melodies, profiles and masses.
The progression's zenith is obtained by the fast succession of small objects which form composite groups but which can be heard, depending on the case, as singular objects of very great rhythmic complexity.
I constructed Tête et queue du dragon from a text by Lovecraft whose poetic structure supplied me with the rules necessary to determine the sounds' organization.
The work is divided into three connected parts.
The first part represents the dragon's head which is formed by a discontinuous acceleration of the movements. Fragments of bouncing movements, chosen at certain moments of their process, are bound by sound samples which share certain common characters. This horizontal organization makes up each one of the four spatial tracks and produces a certain disorder. Very fast groups of notes however restore the order and the articulation in a structure called the "Vertical Unifying Principle".
Whereas the first part is spatially linear, the second is a path to a spatial and rhythmic structure. The body of the dragon is represented by a progressive fragmentation of the groups of notes inside of which elements of contrast are introduced.
The third part, or the dragon's tail, is an extremely mobile and total dispersion of all the elements of the work. The transformation of the least fragment of all the employed musical objects could be used to rhythmise space.
[Luc Ferrari]

• Composed in Service de la Recherche studios
• Premiered in 1960, Paris during Festival de la Recherche
• Originally released on compilation Musique Concrète – Phillips works selected by Pierre Henry under the supervision of Pierre Schaeffer

8.
TAUTOLOGOS I
1961

◆ Si la rhétorique proscrit la Tautologie qu’elle définit comme la “répétition inutile d’une même idée en des termes différents”, la musique en a fait, depuis des siècles, un usage abondamment justifié. Qu’est-ce donc, dans sa croissance organique, qu’un développement musical, sinon une tautologie commandée par des lois mystérieuses, obscures parfois, de la nature et de la vie ?
Cette pièce musicale met en œuvre un matériau sonore de complexité croissante : d’une part quelques sons brefs, simples sont agglomérés pour produire des ensembles complexes, d’autre part des sons déjà complexes sont soumis à un développement musical. Le temps des prospections est dépassé. Voici que d’un solfège une syntaxe est issue et, de la syntaxe, une parole chargée de sens. Mais la parole des profondeurs, née de la rencontre de l’objet sonore et de la conscience qui l’appréhende, est une interrogation plutôt qu’un enchaînement de certitudes : tout le contraire d’une rhétorique.

◇ If supporters of rhetoric criticise Tautology which they accuse of being a “useless repetition of the same idea in different terms”, music has, for centuries, abundantly justified its use. What is musical development, in its organic growth, but a tautology ordered by mysterious, sometimes obscure laws of nature and life?
This musical work uses a progressively complex sound material: on the one hand, some short, simple sounds are brought together to produce complex ensembles, on the other, complex sounds are subjected to musical developments. The time for prospecting is over. Syntax comes out of a sol-fa and a meaningful statement from the syntax. But the voice of the deep, born of the meeting of sound objects with the consciousness that tries to comprehend, is a question rather than a succession of certitudes: exactly the opposite of rhetoric.

• Commissioned by Herman Scherchen, produced at his Gravesano studio
• Premiered on 18 July 1962, Salle du Ranelagh, Paris Expériences 62, Service de la recherche de la radio-télévision française

9.
TAUTOLOGOS II
1961

◆ La nature ne se soucie guère d’utilité ni de progrès logiques d’une proposition à l’autre. Inlassablement, elle rabâche le même cycle de jours et de nuits, ou de saisons, et l’apparente variété des évènements ne résulte que de la multiplicité des interférences possibles entre quelques lois permanentes. L’œuvre d’art retrouve les mêmes rapports de répétition et de variations. Luc Ferrari a été particulièrement sensible à ces correspondances. La tautologie est ici de deux sortes : aux répétitions perceptibles dans le temps, qui nous sont familières, s’en ajoutent d’autres, verticales, relatives à la matière sonore.
Pris isolément, les sons employés présentent effectivement des analogies de matières ; mais au bout de quelques superpositions, la perception de cette matière s’efface, au pro t d’une perception des densités, symbolisation des rencontres de l’instant, qui, dans le temps s’organise en forme. Cette forme, à son tour, se répète dans chaque séquence.

◇ Nature does not bother itself with either the utility or the logical progression of one proposition to another. Tirelessly, it churns out the same cycle of day and night, or seasons, and the apparent variety of these events only comes from the multiplicity of possible interferences between some permanent laws. Works of art experience the same repetitive connections and variations.
Luc Ferrari was particularly aware of these links. There are two types of tautology here: to the perceivable repetitions in time, others, vertical and relative to the sound material, are added.
Taken separately, the sounds used do present some material analogies, but after some super-positions, the detection of this material disappears to give way to a perception of densities symbolizing encounters with the moment, which, in time, take shape. This shape, in turn, repeats itself in each sequence.

• Premiered on 18 July 1962, Salle du Ranelagh, Paris Expériences 62, Service de la recherche de la radio-télévision française

10.
J'AI ÉTÉ COUPÉ
1960-69

◆ Musique abstraite, mais peut-être aussi une méditation sur la solitude et le sommeil.
En 1969, j’ai écrit un texte sur cette musique. Et j’y disais : “... je ne sais pourquoi, je l’ai appelée ‘J’ai été coupé’ ou plutôt je le sais mais je ne veux pas le dire. Cela n’a aucun rapport avec la musique. Cela n’a aucun rapport avec moi ou bien ça a un rapport avec les deux peut- être...” etc. C’est drôle ce langage d’époque.
L’autre jour, en écoutant cette musique que je n’avais pas entendue depuis longtemps, il m’est venu des images que je vais essayer de raconter.
Dans ce temps-là, nous n’avions pas de synthétiseurs, ni d’écrans d’ordinateur, de racks, de boîtes à rythme, toutes choses courantes dans les studios d’aujourd’hui.
Et je me suis souvenu comment j’ai fait certains sons et cela m’a semblé un peu folklorique, mais tout de même assez drôle. Par exemple, j’avais trouvé au marché aux puces tout un lot d’instruments de mesure qui avaient la forme de diapasons de différentes grosseurs. Suspendus à des ressorts d’acier et tournant sur eux-mêmes en montant et en descendant par le fait même de leur poids, ces diapasons émettaient un son vrillé et fluctuant qui se répercutait dans le ressort en une sorte d’écho du plus joli effet. J’avais inventé un autre instrument : simple fil de nylon, mais très long, de quinze mètres peut-être. Tendu au travers du studio, avec un micro en contact à une des extrémités, j’attaquais le fil avec une baguette de bois, ce qui produisait un bizarre son électronique que seul le micro pouvait entendre.
Ce qui était drôle et un peu éprouvant, c’est que le fil était si long que pour obtenir des mélodies, il fallait courir plusieurs mètres, et si le l n’avait pas été aussi long, il n’aurait pas sonné. Je me souviens même que pour le tendre, j’avais utilisé la poignée de la lourde porte du studio, ce qui me permettait, en la fermant, de jouer sur la tension du fil.
Et plein d’autres trucs, mais ça serait trop long à expliquer... Toutes ces images n’expliquent pas, bien sûr, pourquoi j’ai été coupé.
[Luc Ferrari]

◇ Abstract music, but perhaps also a meditation on loneliness and sleep.
In 1969, I wrote a text on this music. I said: ‘... I do not know why I called it “I was cut”, or rather, I do know, but I do not want to say why. It does not have any relationship with the music. It does not have any relationship with me, or it has a relationship with the two perhaps...’ etc. It’s funny, the language of that time. The other day while listening to this music, which I had not heard for a long time, images came to me. I will try to explain.
At that time, we did not have synthesisers, nor computers, racks, rhythm boxes, and all current things in the studios of today. I remembered how I made certain sounds that seemed quaint, to me, a little folk, but all the same rather funny. For example, I had found at a flea market a whole set of measuring instruments with a resemblance to tuning forks of various sizes. They were suspended with steel springs and rotating while going up and down. These tuning forks emitted a twisted and fluctuating sound. I had invented another instrument: simple nylon wire, but very long, of fifteen meters perhaps. Stretched across the studio, with a microphone in contact with one of the ends. I attacked the wire with a wooden rod, which produced an odd electronic sound that only the microphone could hear.
What was funny is that the wire was so long that to obtain melodies I had to run several meters of it, and if the wire had not been as long, there would not have been a sound. I even remember that to tighten it I had used the handle of the heavy door of the studio, which allowed me, by closing it, to exploit the tension of the wire.
It was full of other tricks, but that would take too long to explain... All these images do not explain, of course, why I was cut off.
[Luc Ferrari]

• Premiered 28 May 1973, Concert Ferrari (Groupe de Recherches Musicales de l’ORTF) at Théâtre Récamier, Paris

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released April 25, 2024

© Luc Ferrari
℗ Maison ONA

Album cover based on picture by Henri Glaeser.

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about

Luc Ferrari Paris, France

1929 – 2005

Never ceasing to investigate, Luc Ferrari leaves behind a body of work by turns exalting, noble, funny, intimate, and nocturnal. Like a mirror turned toward the Other, it reflects the world and its fantasies.

He had a weakness for women with accents.
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